Baz'art  : Des films, des livres...
4 décembre 2018

Interview musique : Fred Rister , le génial compositeur de l'ombre nous dit tout !!

 Si le nom de Fred Rister ne signifie probablement pas grand chose à la majorité d'entre vous,  les mélodies qu'il a composé dans sa fuctueuse carrière ne vous sont très certainement pas inconnues, puisque c'est lui qui est à l'origine d'un certain nombre de tubes qu'il a co écrites et co composées avec son ami David Guetta.

Tout cela, on vous le racontait dans la chronique du livre " Faire danser les gens"  qu'il a publié il y a un mois et demi aux éditions Seguier,  et on vous en dit encore plus désormais grâce au long et passionnant échange téléphonique qu'on a eu il y a quelques jours avec son auteur...

Une interview dans laquelle Frédéric Riesterer (de son vrai nom) nous dit tout ou presque, de sa maladie à son rapport avec David Guetta à ses années de coiffeur et surtout sa passion énorme et intarissable pour la musique...

 

INTERVIEW FRED RISTER/BAZ ART

  

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     Baz art: Bonjour  Fred,  et avant toute chose, on a envie de vous poser une question qui pourrait sembler banale pour tout un chacun mais qui pour vous revêt une importance forcément vitale: comment vous sentez-vous en ce moment ?

Fred Rister:  Oh,  ça va plutôt pas trop mal, si « ça va « veut dire quelque chose dans ma situation. Disons que cela dépend des jours,  évidemment, il y a des jours avec et des jours sans , mais disons qu’à part une très importante fatigue, je me sens encore bien sur mes jambes.

Quand après avoir eu neuf cancers,  tu arrêtes tout traitement, comme j’ai décidé de le faire l’an dernier,  le risque, c’est que tu t’exposes à ce  que d’autres cancers se pointent, ce qui est le cas d’ailleurs…  Donc il faut gérer tout cela, la peur de mourir bien sûr, celle de souffrir, la peur pour ses proches, tout cela rend la donne assez compliquée.

  J’essaie de profiter de chaque instant qui passe, chaque petit moment de bonheur en me disant que ça peut être le dernier.

     Baz art: Cela doit être  d’autant plus difficile de ne pas céder à l’abattement  que vous êtes naturellement  enclin à cette mélancolie.. Dans votre livre, on comprend bien que dans les morceaux de David (Guetta), c’est vous qui apportez cette touche assez mélancolique qui est présente à chaque foi, n'est ce pas?

  Fred Rister:  Ah oui, tout à fait, la mélancolie est un de mes états naturels, un état que je traine depuis tout petit, même avant  d’être malade…

  Et quand je collabore à un morceau,  ma touche personnelle c’est incontestablement de ralentir le tempo et d’imposer dans mon travail, mais de manière totalement naturelle, cette mélancolie.

  Mais attention : mélancolique, cela  ne veut pas dire triste et dépressif, ni même  nostalgique.

   Moi ma culture musicale c’est le rock, la pop anglaise qui a baigné dans  la grisaille de Londres :  Pink Floyd, King Crismon, bref des groupes qui ont comme caractéristique de construire de grandes plages  de musique  très atmosphériques, qui provoque un spleen qui ,  paradoxalement, me fait du bien (sourires) …

 

fredrister     Baz art: Mais vous avez du certainement vous battre pour imposer cette touche là, car, comme vous le dites dans le titre du livre, votre métier c’est avant tout de "faire danser les gens", et la mélancolie n’est pas forcément la qualité à laquelle on pense forcément pour les faire bouger, non?

 

 Fred Rister:  Non, je ne me suis jamais vraiment "battu", comme vous dites. En effet,  les personnes avec qui j’ai pu travailler, dont David en premier lieu, ont toujours accepté cet aspect-là dans mon travail, au contraire, même je pense pouvoir dire que c’est cela qui leur plait et pour cela entre autres qu’ils me sollicitent.

  Après je ne perds jamais à l’esprit qu’il faut garder un tempo rapide car l’essentiel est que les gens aient envie de se trémousser, mais comme je ne cherche jamais cette mélancolie de façon artificielle qu’elle s’impose à moi, elle s’intègre parfaitement dans le rythme du morceau.

      Baz art: Dites moi si je trompe, mais,  a priori, un garçon comme David Guetta, on ne l’imagine pas forcément comme un être profondément mélancolique, n’est ce pas ?

 Bien sûr, David n’est pas aussi mélancolique que moi, c’est justement cela aussi qui lui plait chez moi et  c’est pourquoi on est aussi complémentaires dans notre travail, complémentaires et en même temps tellement proches.

 Je vais vous raconter quelque chose : la toute première qu’on a commencé à bosser ensemble David et moi c’était vraiment génial car on avait l’impression qu’on faisait les mêmes gestes aux mêmes moments et qu’on avait l’impression qu’on pouvait se comprendre sans même parler, c’est une sensation tellement rare dans une vie professionnelle…

 David est sans aucun doute quelqu’un de plus positif que moi, il a cette capacité à  tire tout le monde vers le haut, mais je crois qu’il un profond respect pour ma personnalité, et donc pour ma mélancolie on y revient toujours (sourires) …

 Au tout début il était surpris que je veuille toujours travailler dans mon petit studio plongé dans le noir, il m’incitait à ouvrir les fenêtres et faire entrer la lumière du soleil mais il a vite compris que j’avais besoin de cette ambiance là pour composer et il n’ pas insisté bien longtemps (rire)..

    Baz art:  Ce qui est formidable dans votre livre quand vous parlez de David justement, c’est qu’on ne sent aucune animosité à son encontre. Vous auriez pu profitez de la rédaction de vos mémoires pour exprimer votre ressentiment  du fait qu’il tire toute la couverture médiatique à lui,  alors que votre nom n’est connu que des spécialistes du milieu or,  pas du tout, jamais vous ne vous plaigniez de cela…

 Fred Rister : Ah non, cela ne me gêne vraiment pas, il faut que vous sachiez  une chose : je n’ai vraiment aucun problème d’égo.

Ma position d’homme et d’artiste de l’ombre, c’est un statut que j’ai depuis que j’ai commencé à travailler dans la musique  qui me plait et me va parfaitement, et jamais depuis que l’on travaille ensemble, je n’ai envié ou jalousé la médiatisation de David, bien au contraire, je suis vraiment ravi pour lui, il le mérite à 1000%!

     Baz art:  Mais alors, si vous revendiquez à ce point ce statut d'homme  de  l’ombre, ça doit faire bizarre de prendre un peu de lumière cette année,  avec la sortie de ce livre, ainsi au mois de juin, de la sortie du morceau » I want a miracle » ( dont tous les bénéfices iront pour la lutte contre le cancer), un morceau  que vous avez composé à votre nom au printemps dernier ?

Fred Rister :  Ah oui tout à fait. Cela est vraiment étrange pour moi  de faire la promotion un peu partout,  d’être invité des radios des télévisions pour parler de moi, cela me pousse à forcer ma nature.

Et je vous avouerai que  je n’adore pas cela outre mesure et qu’il me tarde de retrouver un peu l’ombre (sourires).

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     Baz art: Alors, dans ce cas, pourquoi avoir voulu raconter vos mémoires dans ce livre, si cela ne vous est tellement pas naturel de vous dévoiler?

 Fred Rister  : En fait,  l’idée  de publier ce livre  ne vient pas de moi. C'est Christophe Piot, avec qui je travaille depuis longtemps pour l’édition de mes disques dans le monde entier, qui, à  force d’écouter  lui raconter  mes anecdotes,  m'a suggéré de sortir un livre et de relater tout ce que j'ai pu vivre depuis des décennies.

 Cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour sans Christophe, je n’aurais jamais pensé le faire s’il n’avait pas insisté assez lourdement (rires)…

 Et c’est avec Christophe qu’on a réfléchi à construire un récit  autobiographique qui ne soit pas trop classique.

On ne voulait pas faire un livre trop chronologique, trop factuel,  qui commencerait par  ce genre de phrases  : «  j’ai commencé la batterie " dans ma chambre à l’âge de 7 ans, » on en a  vraiment trop lu des mémoires de musicos de ce style.

 Du coup, on a pensé à un livre qui ferait  alterner de pensées un peu décousues et de souvenirs d’enfance et d’anecdotes de carrière …

  J’ai voulu qu’on lise ce livre un peu comme on écouterait de la musique, je l’ai conçu un peu comme on compose une démo d’une chanson, et Christophe m’a bien aidé à tout séquencer, un peu comme un chef d’orchestre (sourires).

 On a mis quand même 4 ans à l’écrire, ce livre, et à un moment il a bien fallu stopper  le processus d’écriture mais ce n’était pas évident  pour moi d’y mettre le mot fin.

     Baz art: Et pourquoi, dans le même ordre d'idées,  l’avoir fait commencer par le procès pour plagiat qu’on vous a intenté aux USA autour du  morceau « I Got a feeling « ?

 Fred Rister :Pour plusieurs raisons…déjà parce que ce morceau est très important pour moi, un tel tube avec une telle portée ça n’arrive qu’une fois au mieux dans une vie de compositeur…

 Tout le monde ou presque  sur cette planète l’a entendu au moins une fois dans sa vie c’est énorme.

 D’ailleurs, pour la petite histoire,  je voulais même appeler le livre comme cela  «  I got a feeling »  et c’est l’éditeur qui a insisté pour que le titre «  faire danser les gens » que j’adore maintenant car c’est ce qui résume bien ce que je fais…

 Mais pour en revenir au procès en particulier, c’est une période de ma vie qui a été très dure à vivre; j’ai énormément mal vécu ce moment d’ailleurs à cette période j’avais subi trois cancers et six ont été déclarés depuis,ce n’est pas anodin…

 Sincèrement,  j’en parle dès le début du livre, car à mes yeux,  être accusé d’être un tel délit alors qu’on a simplement fait son boulot de compositeur, c’est assez terrible à supporter.

 J’ai beau savoir qu’aux USA, n’importe quel pékin peut intenter une action en justice et que ça leur coûte pas un rond, et que ce type qui nous a attaqué n’était pas sérieux du tout, tout cela m’a vraiment fait mal..

     Baz art:Dans le livre, vous laissez transparaitre une émotivité , un coté ^ »à fleur de peau »  assez fort, et pas forcément compatible avec le milieu de l’industrie musicale, qu’on aurait tendance à caricaturer comme un monde de requins. Comment parvenez vous à "surnager" dans ces eaux là?

 Fred Rister : Ah  si vous voulez tout savoir, sachez que je ne surnage pas vraiment (rires).

Quand je vous disais que j’adorais être à l’ombre, cela vaut pour cela aussi évidemment… Personnellement je ne m’occupe que de la dimension artistique et musicale  je laisse à des professionnels à qui j’ai entièrement confiance de gérer le côté contrat.

Moi j’aurais la fâcheuse tendance à dire oui à tout, alors heureusement qu’il y en a qui disent non parfois à ma place, … évidemment je vérifie quand même les pourcentages quand on me demande le faire, mais franchement je suis très protégé à ce niveau-là, et ça se passe très bien…

    Baz art:  Ce qu’on apprend aussi dans votre livre c’est que vous avez un point commun avec Fabrice Lucchini : …la coiffure !! Pourquoi, alors que vous transpiriez musique depuis tout petit, ne pas avoir de suite vécu de votre passion ?

 Fred Rister : Ah oui c’est vrai pour le point commun avec Lucchini,  sauf que cela a duré plus longtemps pour moi  que pour Lucchini j’ai quand même coupé des cheveux pendant près de dix ans, lui il en parle beaucoup mais je crois que ca a très peu duré en fait…( sourires)

Vous savez il faut remettre les choses dans leurs contexte de l’époque, celui des années 70, juste après Woodstock…

Je viens d’une famille d’ouvriers, donc d’un milieu modeste, et le jour où j’ai annoncé à mon père que je voulais bosser dans la musique il m’a dit de suite qu’il était hors de question que je côtoie ce "milieu de drogués et de dépravés "et qu’il fallait absolument que je trouve autre chose, et j'avoue que je ne voyais pas du tout ce que je pouvais faire…

 Et puis par hasard, un jour dans un salon  de ma ville (Malo les bains) où je me faisais couper les cheveux,  un salon où toutes les coiffeuses étaient très gentilles, j’ai eu une illumination et me suis dit que ça devait être sympa de bosser la dedans…

 J’ai ainsi travaillé dans la coiffure pendant une dizaine d’années, j’ai même été propriétaire avec un associé d’un salon à  Dunkerque (Mod's Hair, si vous voulez tout savoir), mais j’ai revendu  à mon co-associé les parts au bout d’un an car on me proposait un premier contrat discographique..

 Il faut savoir que même quand j’étais coiffeur,  je n’ai jamais arrêté de mixer dans des boites le soir, et j’avais encore dans un coin de ma tête l’idée d’en faire mon métier.

Mais j’ai connu pas mal d’années de galère avant de rencontrer David en 2007, c’est vraiment que très récemment que j’en vis très bien.

Couv_Fred-Rister

     Baz art: Dans" faire danser les gens", on voit aussi que vous attachez énormément d’importance à la culture musicale que tout un chacun devrait posséder, pourquoi cette obsession chez vous  ?

 Fred Rister : Tout simplement car j’ai l’impression que les jeunes de notre époque sont pas assez réceptifs à ce qui a été fait avant …

Vous savez, j’entends souvent dans la bouche des gens  cette phrase  : "on ne vit pas avec le passé", et je ne suis pas d’accord du tout avec cela, pour moi c’est essentiel de connaitre son histoire que ce soit en musique ou dans d’autres domaines.

Je croise pas mal de jeunes qui m’interpellent dans la rue car ils veulent faire de la musique électro, et ils me disent qu’ils veulent faire un tube et pour cela ne me parle que de look et de production mais jamais de culture musicale.

  Contrairement aux pays anglo-saxons (je viens du Nord de la France donc tout proche de  l’Angleterre) la France n’a pas vraiment de culture musicale au sens propre du terme.

 Si David a connu un tel succès,  c’est qu’il s’est donné totalement le moyen de ses ambitions.

David, c’est vraiment quelqu’un qui a une culture musicale énorme, s’il est capable de jouer devant 15 à 20000 personnes dans des stades, c’est avant tout parce qu’il a énormément de références musicales et qu’il a su les digérer et les intégrer dans ses productions.

 Si mon livre peut servir à démontrer que le succès de David - et le mien par ricochet -  n’est pas dû au hasard ou à son look mais vraiment grâce à un travail immense et à une grande culture musicale, je n’aurais pas totalement raté mon coup ( sourires).

    Baz art:   Justement, on sent dans ce livre un vrai désir de transmission : est-ce qu’aller dans des écoles de musique pour apprendre à des jeunes comment produire et composer un morceau est quelque chose à laquelle vous avez pensé faire ?

Fred RisterOui bien sûr,  c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup faire, cela  me trotte dans l’esprit depuis longtemps, mais est-ce que j’en aurais l’énergie et le temps de le faire, je n'en suis pas certain, hélas...

 La construction d’un morceau est vraiment un dur  labeur, trouver l’instru et le rythme qui saura happer l’auditeur  ca ne vient pas forcément d’un coup de baguette magique.

Je sais bien  qu’il n’existe pas de recette toute faite pour fabriquer un tube mais si je peux quand même donner quelques pistes, donc oui, franchement,  ça me plairait bien.

   Baz art: Et en attendant cela, c’est quoi votre combat actuel,  Fred à part évidemment celui  très prégnant , contre la maladie ?

Fred Rister : Actuellement, j’essaie de relayer autant que je puisse le faire le formidable travail de la SACEM pour sensibiliser les gens de l’importance des droits d’auteurs, une spécificité française essentielle qu’il faut absolument conserver…

  J’entends beaucoup de gens notamment des élus qui pensent que je suis intermittent du spectacle, et ne connaissent rien à la question des droits d’auteurs, et j’en profite pour souligner le travail exceptionnel que fait Jean Noel Tronc, le directeur de la SACEM et toute son équipe,  pour tenter de préserver ce système qui valorise le travail des créateurs dans le monde de la musique…

 Alors tant que ma santé me permet de relayer ce travail formidable, je ne me priverai pas de le faire….et bien sûr, je continuerai aussi,  tant que j’en ai la force de faire danser les gens, car c’est vraiment,  plus  encore que le simple titre de mon ouvrage, une nécessité vitale….

 

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